L’élection de Catherine SAMBA-PANZA (CSP)

En mai 2013, lorsqu’elle devient la 37e Maire de la municipalité de Bangui, cela fait près de deux mois que la coalisation SELEKA a renversé le régime du président François BOZIZE. Nommée par le nouveau régime du Président DJOTODJIA, CSP a pris en main une ville à l’arrêt, minée par les pillages et les exactions.

Elle fut parmi les premiers candidats déclarés pour diriger la Transition. Sur les 24 candidatures déposées auprès du CNT (Conseil National de Transition), seules huit avaient été validées. Les parlementaires ont fixé des critères draconiens d'éligibilité excluant tant les responsables politiques sous l'ancien Président Michel DJOTODIA, les chefs de partis, les anciens miliciens et rebelles.

Pour la plupart des centrafricains, élire une femme pour la première fois dans l’histoire de ce pays et d’ailleurs de la sous-région d’Afrique centrale, est un signe d’espoir dans un pays dont la situation socio-politique ne cesse de se dégrader.

Cette femme d’affaires, mère de trois enfants, a devancé Désiré KOLINGBA, après un suffrage à deux tours. Elle a obtenu au deuxième tour 75 voix contre 53 pour le fils de l’ancien président André KOLINGBA (1981-1993). Madame SAMBA-PANZA aura la lourde tâche de combler le vide laissé par la démission contrainte de l’ancien Président DJOTODJIA.

Prenant la parole devant les parlementaires dès son élection, le nouveau Chef de l’Etat a lancé un appel vibrant à renoncer aux armes. "Je lance un appel vibrant à mes enfants Anti-balaka qui m’écoutent. Manifestez votre adhésion à ma nomination en donnant un signal fort de dépôt des armes, […] À mes enfants Ex-séléka qui m’écoutent aussi, déposez vos armes".
Le choix d’une femme, selon certains observateurs, constitue un espoir pour la stabilisation du pays, notamment grâce à sa neutralité politique supposée. Plus connue comme militante des droits des femmes au sein de l’Association des Femmes Juristes de Centrafrique (AFJC), elle fit ses premiers pas en politique en 2003 pour co-présider le dialogue national après le coup d’état du Président François BOZIZE, avant d’être élue à la Présidence du Comité chargé du suivi et de l’évaluation régulière de la mise en œuvre des recommandations issues de ce dialogue.
Qu’est-ce qui a motivé CSP à être candidate à la magistrature suprême de l’Etat, à un moment aussi difficile de l’histoire de la RCA, en proie à l’instabilité et aux conflits armés ?
Nous sommes en janvier 2014 lorsque la crise a atteint son point culminant. Dans ce contexte de crimes et de violences atroces contre les populations civiles innocentes, les femmes centrafricaines ont réalisé que leur pays allait inévitablement vers le chaos. Elles ont alors pris conscience de la nécessité de faire appel à un leader qui soit en mesure de ramener la paix, de rassembler et de réconcilier les centrafricains. 

Les femmes ont surtout compris que seul un leadership féminin pouvait ramener la paix dans les cœurs et les esprits des centrafricains et leur redonner espoir. Elles ont estimé que seule la sagesse d’une femme pouvait ramener les acteurs des violences à la raison. 
Un courant de femmes est donc venu solliciter CSP. Pourquoi elle et pas une autre personnalité ? Sans doute son engagement personnel au sein de la société civile en tant que militante des droits humains, son passage à la Mairie de Bangui où, en tant qu’autorité locale, elle était proche des populations en détresse et sa pleine implication pendant plusieurs années dans les divers processus de médiation, de règlements des conflits et de réconciliation nationale en RCA ont constitué des atouts en sa faveur. Se sentant interpellée, elle s’est résolue à se rendre disponible pour son pays. Son élection a suscité beaucoup d’espoir au sein des populations, notamment des femmes, qui n’aspiraient qu’à vivre en paix. Elle a surtout créé une grande avancée dans l’histoire du continent africain en matière de promotion de la femme dans la gouvernance politique.
CSP est en effet la troisième femme africaine à accéder à la magistrature suprême.

Le secrétaire général de l’ONU Ban KI-MOON a félicité Mme SAMBA-PANZA et a souhaité que cette élection "soit une opportunité de relancer le processus de transition".
 

Les priorités de Catherine SAMBA-PANZA

CSP a hérité d’un pays complètement dévasté par plusieurs années de crise. Des défis sécuritaires, humanitaires, institutionnels, économiques et sociaux se posaient avec acuité. Cette transition particulière sur fond de tensions intercommunautaires entretenues par de nombreux groupes armés s’annonçait difficile.   
L’instabilité politique et les conflits internes répétés depuis deux décennies ont plongé la population centrafricaine dans une situation de pauvreté et vulnérabilité extrême. Depuis décembre 2012, la République Centrafricaine est secouée par une des plus graves crises qu’elle n’a jamais connue. Le peuple centrafricain s’est retrouvé dans une situation dramatique marquée par : 

  • Plus de 2.000 personnes tuées,
  • 12 % de la population déplacés,
  • 8 % de centrafricains réfugiés dans les pays voisins,
  • 2,5 millions de personnes, soit 54% de la population totale ayant besoin d’assistance humanitaire,
  • Plus de 30% des infrastructures scolaires et sanitaires détruites,
  • Environ 28.000 enfants touchés par la malnutrition aiguë sévère,
  • 7.000 enfants enrôlés dans des groupes armés,
  • Plus de 2.000 femmes victimes de viols et violences sexuelles,
  • Un phénomène de rejet communautaire sur des bases d’appartenance religieuse persistantes avec des assassinats traduisant le refus de vivre ensemble,
  • Des poches d’insécurité persistantes dans la capitale et dans toutes les provinces avec des violences sur les populations,
  • Les moyens de fonctionnement de l’administration et les capacités de production du secteur privé anéantis,
  • Une économie détruite avec une croissance négative de -37%.

Il apparaît à travers ces quelques chiffres qu’en janvier 2014, la République Centrafricaine était au bord de l’implosion. Les défis auxquels devaient faire face la transition étaient énormes. 

En dépit de nombreux obstacles qui voulaient s’imposer sur le parcours de CSP, son engagement personnel et sa détermination à tenir le pari de mener à son terme la transition, de manière apaisée, ont été constants.

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