La tenue à Bangui, du 4 au 11 mai 2015, du Forum National de Bangui, dans le cadre de la Phase III du processus politique engagé à Brazzaville, a représenté une étape importante de la poursuite de la cohésion nationale, autour d’une série d’objectifs et de résultats, pour parvenir à stabiliser la situation en RCA.
Il a rassemblé près de 700 participants représentant toutes les forces vives de la Nation (Autorités et Institutions de la transition, partis politiques, groupes armés, société civile, organisations religieuses, Chefs traditionnels, groupes de jeunes et de femmes), y compris les représentants des populations venus nombreux des 16 préfectures du pays, de la diaspora et des réfugiés pour discuter des divers aspects du programme de consolidation de la paix dans le pays, et pour définir une vision et des aspirations communes pour assurer l’avenir de leur pays.
Les résultats les plus marquants de ce Forum ont été la signature, le 10 mai 2015 du Pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale et la reconstruction en République centrafricaine, l'Accord sur les principes du DDRR et d’Intégration dans les corps en uniforme de l'Etat Centrafricain entre le gouvernement de transition et les Groupes armés et l’Accord des groupes politico-militaires participant au Forum de Bangui pour mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants, ainsi qu’aux autres violations graves des droits de l’enfant.
Lors du Forum de Bangui, une analyse des crises persistantes en RCA a mis en évidence de nombreuses causes profondes qui restent intimement liées au déficit de gouvernance, à l’extrême pauvreté ainsi qu’à une perte des valeurs éthiques, morales, sociales et culturelles. Par ailleurs, il a été relevé que la RCA, située au cœur du continent africain, est cernée par des pays frontaliers qui ont connu des conflits au cours de ces dix dernières années. Ces conflits récurrents à ses frontières ont engendré le phénomène de circulation d’armes légères et de petit calibre qui alimentent le grand banditisme et l’insécurité.
D’autre part, malgré son potentiel naturel très important, la RCA enregistre des niveaux d’indicateurs socioéconomiques très critiques. En effet, plus de 80 % de la population vit aujourd’hui avec moins de deux dollars par jour et l’Indice de Développement Humain (IDH) s’est considérablement détérioré, plaçant la RCA parmi les cinq derniers pays à l’échelle mondiale, soit au 172ème rang sur 177 pays.
Ces indicateurs expriment à suffisance l’étendue des défis en matière de sécurité, de bonne gouvernance, de cohésion sociale et concorde nationale, de restauration de l’autorité de l’Etat et de relance de l’économie et du processus de développement.
Les participants au Forum de Bangui ont également relevé que diverses initiatives de concertation nationale (séminaires, grand débats, dialogue national, dialogue politique inclusif) ont été organisées en RCA et à l’extérieur pour la résolution des différentes crises sociales et politiques que le pays ne cesse de connaitre. Malheureusement, les leçons apprises ont laissé un gout tristement amer dans l’esprit et dans les cœurs des centrafricains. Les accords inter-centrafricains issus des initiatives nationales, sous régionales et onusiennes sont le plus souvent battus en brèche dès le lendemain des signatures par les parties prenantes. Elles n’ont pas permis de mettre une fin durable au désordre politique qui semble s’éterniser.
Les dommages et pertes occasionnés n’ont jamais été réparés laissant des plaies béantes aux implications socio-psychologiques insupportables dans les cœurs entretenant de manière manifeste ou latente le goût de la vengeance dans le pays. L’impunité a tué la confiance entre les centrafricains. Le peuple est envahi par l’esprit de vengeance et ne se reconnaît plus dans les appels des dirigeants ne jouissant plus de charisme mais l‘appelant à l’apaisement. Le changement tant souhaité par le citoyen à travers les dialogues organisés n’est que l’illusion.
La volonté d’une dynamique de la participation communautaire, sur la base des résiliences profondes, autour d’un leadership de proximité innovant a été recommandée à travers la perspective de la décentralisation et régionalisation comme modèle de gouvernance fortement réclamée. Au plan de la géopolitique sous régional et international, les questions complexes liées la révision des accords de coopération avec la France, la gestion rigoureuse des fonds du programme de désarmement, de démobilisation et de reconversion des ex combattants, la reconstruction et le développement post-conflit de la RCA, l’organisation des échéances électorales dans un cadre apaisé, équitable et transparent interpellent les centrafricains dans leurs rapports avec les puissances étrangères et onusiennes venues à son assistance.
En échangeant avec les autres sur les grands piliers de la renaissance de la société centrafricaine, Paix et sécurité, Réconciliation, Gouvernance, Relèvement économique, les consultations populaires et le Forum de Bangui ont dégagé un certain nombre de recommandations fortes sous forme d’options stratégiques susceptibles de neutraliser les menaces à la continuité historique de l’Etat et de la Nation centrafricaine.
Il s’agit d’un chantier immense et complexe dont la mise en œuvre exige des sensibilités politiques et sociales engagées à jeter les bases d’un véritable du changement politique durable en faisant du retour inconditionnel de la paix et de la transparence en République Centrafricaine une obligation. Un tel travail exige que la classe politique, la société civile et les partenaires au développement s’attaquent froidement et objectivement, sans hypocrisie, aux racines de la longue crise qui s’est étirée d’un régime à l’autre, pour assurer dans la durée la transformation intelligente des esprits et des cœurs.
Le retour de l'autorité de l'Etat et le désarmement sur toute l'étendue du territoire demeurent un impératif à l’instauration d’une gouvernance politique nationale et géopolitique. Pour un retour soutenu de la légitimité de l’Etat et le redéploiement des institutions politico administratives, la mobilisation citoyenne doit être sollicitée. A cet égard, l’information, la sensibilisation, la mobilisation sociale à travers la communication sociale et le plaidoyer sont les meilleures approches et stratégies susceptibles de garantir un accompagnement citoyen sûr.
Le processus de désarmement et le programme DDR doivent s’inscrire dans le cadre d’un accompagnement communautaire et national orienté vers la reconstruction d’une nouvelle société centrafricaine unie et prospère. Dans cette perspective, une large place doit être faite aux autorités de proximité (chefs de quartier, notables, autorités traditionnelles etc.), à la société civile (institutions ou organisations non gouvernementales non inféodés au pouvoir) et aux initiatives de l’Etat.
Le souci de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit dans la prospective du bien-être des centrafricains a été exprimée par les populations consultées. Il s’agit donc d’une vaste opération de changement et de refondation à laquelle le Forum national de Bangui a dû en tenir compte.