L’objectif principal de la transition était de garantir un retour à l’ordre constitutionnel par la tenue du referendum constitutionnel et des élections législatives et présidentielle initialement prévues le 15 février 2015.
La mise en place des institutions et des autorités légitimes était en effet une étape importante et cruciale dans le processus de sortie de crise. La volonté des autorités de la transition d’aller résolument à l’organisation des élections crédibles était manifeste, même si elle a buté sur de nombreuses contraintes notamment sécuritaires, juridiques, techniques et financières. Elles avaient le devoir d’organiser des élections auxquelles elles ne pouvaient être candidate, dans un minimum de conditions de sécurité, de paix et de transparence pour que leurs résultats soient incontestables et permettent un retour apaisé à l’ordre constitutionnel.
Les principaux facteurs ayant réellement contribué à la gestion sans heurts majeurs de ce processus ont donc été, outre la bonne interaction entre les Institutions de la Transition sous l’impulsion du Chef de l’Etat de la Transition, la recherche constante du consensus à travers un dialogue permanent et des réunions périodiques de concertation au plus haut sommet de l’Etat, y compris également avec la Communauté internationale, mais par-dessus tout le respect de la Feuille de Route et de la Charte Constitutionnelle de Transition, notamment sur la question de l’inéligibilité des acteurs politiques ayant géré la Transition.
Ce processus n’aurait pu être mené à son terme sans l’aide financière et technique de la communauté internationale et sans un appui politique et militaire de la CEEAC qui a exprimé, de manière constante, sa détermination à accompagner les autorités et le peuple centrafricain, en vue de mener à son terme la transition politique en cours et permettre de restaurer l’ordre constitutionnel.
Cet accompagnement s’est manifesté notamment par l’acceptation du principe de la prorogation de la Transition, une première fois par le Médiateur dans la crise centrafricaine, justifiée par le fait que l’ampleur des opérations contenues de la Feuille de route, confrontées à l’insécurité persistante, ne pourront pas être exécutées dans les délais, d’où la nécessité d’une prolongation de 6 mois, soit de mars à août 2015 ; puis à deux reprises par la CEEAC, en vue de garantir une bonne tenue d’élections crédibles mais avant la fin de l’année 2015, conformément aux recommandations du Forum de Bangui et aux dispositions des articles 102 et 104 de la Charte Constitutionnelle de Transition.
Le Forum National de Bangui avait en effet recommandé une prolongation de la Transition en vue d’une meilleure organisation des élections. Le sommet des Chefs d’Etat de la CEEAC de mai 2015 à Ndjamena a accédé à la demande de cette prolongation jusqu’au 30 décembre 2015.
Sur la base de cette décision, les Autorités de la Transition ont résolument mis le cap sur l’organisation des élections à partir du mois de juin 2015 en décidant d’appuyer l’Autorité Nationale des Elections (ANE) à travers le Cadre Stratégique des Elections piloté par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et regroupant l’Autorité Nationale des Elections (ANE), le Conseil National de Transition, la Cour Constitutionnelle de Transition et la communauté internationale.
Un Centre Conjoint de Coordination des Opérations des élections a aussi été créé pour appuyer l’Autorité Nationale des Elections, élaborer et mettre en œuvre un plan de sécurisation des opérations électorales.
Grâce à cet appui du gouvernement, l’ANE a enregistré de grandes avancées dans le processus électoral qui accusait auparavant d’importants retards.
Sur la base de ces avancées, un nouveau chronogramme des élections a été publié par l’ANE afin de tenir le délai fixé par la décision des Chefs d’Etat de la CEEAC.
La situation sécuritaire dans son ensemble connaissant une nette amélioration, avec l’action conjuguée des Forces de sécurité intérieure et des Forces internationales, MINUSCA et Sangaris, les autorités de la Transition ont saisi l’opportunité de ce contexte sécuritaire et politique favorables pour organiser les élections.
Malgré de nombreux impondérables, le cap sur les élections a été maintenu avec cependant la difficulté d’organiser techniquement tous les trois scrutins prévus dans le respect des délais légaux de la loi électorale avant la date du 30 Décembre 2015.
Les Autorités de la Transition ont dû s’accommoder d’un glissement technique inévitable du calendrier électoral jusqu’au mois de mars 2016 proposé par l’ANE, dans le respect scrupuleux du Code Electoral afin de prévenir toute crise postélectorale, après accord du Cadre de Concertation qui regroupe toutes les composantes des Forces Vives de la Nation.
Ce glissement technique induisait par ricochet une autre prolongation technique de la transition, soutenu et validé par les Chefs d’Etat de la CEEAC, conformément aux dispositions de la charte constitutionnelle de Transition.
Durant tout le processus, le Chef de l’Etat de la Transition a été attentive au respect par la classe politique centrafricaine et les autorités de la transition de la clause d’inéligibilité contenue dans la Charte de Transition et celle des acteurs politiques frappés par les sanctions prises par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA et/ou par le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que du Code de Bonne conduite signé par les candidats la veille des élections.
Pour de nombreux observateurs de la scène politique centrafricaine, il semblait quasi irréaliste ou aventureux de maintenir les élections aux échéances prévues et qu’un choix audacieux devrait être fait pour reporter d'un an à deux ans les élections voire envisager une troisième Transition !
Malgré les disfonctionnements liés à des erreurs matérielles et à des problèmes d’ordres organisationnels, il y a eu une forte mobilisation du peuple centrafricain. Ainsi les 13 et 30 décembre 2015 d’abord et le 14 Février 2016 ensuite, le peuple centrafricain a résolument opté pour la démocratie et un nouvel ordre constitutionnel à travers le vote d’une Constitution, l’élection d’un nouveau Chef de l’Etat et des députés de la Nation.
Le bon déroulement des scrutins présidentiels et législatifs du 14 février 2016, dans le calme sur l’ensemble du territoire, a témoigné de l’attachement du peuple Centrafricain aux valeurs démocratiques et républicaines et sa détermination pour le retour à la Légalité Constitutionnelle.
L’un des éléments clés du déroulement apaisé de ces scrutins était la neutralité observée tout le long du processus par les Autorités de la transition et le respect des dispositions de la Charte Constitutionnelle interdisant aux acteurs de la transition de se présenter aux élections aux termes de la transition.
L’autorisation du vote des réfugiés par le Parlement de Transition a également contribué à l’apaisement de nombreuses communautés obligées de se réfugier dans les pays voisins, qui ont pu ainsi exercer leur droit de vote.
A cela, il convient de rappeler le séjour du Pape François qui a éminemment contribué à l’apaisement des cœurs et à la baisse des tensions intercommunautaires.
Ainsi le 31 mars 2016, le Président de la République démocratiquement élu à l’issue de scrutins jugés par la Communauté internationale libres et crédibles a été installé dans la plénitude de ses pouvoirs.
Le Chef de l’Etat élu devant prêter serment sur la nouvelle Constitution, il a été procédé à la Promulgation de la nouvelle Constitution le jour de l’investiture, soit le 30 mars 2016, conformément aux dispositions de l’article 159 de ladite Constitution.
Le 30 Mars 2016, eut lieu dans une ambiance festive devant une foule de près de 10 000 personnes, l’investiture du Président élu, Professeur Faustin Archange TOUADERA en présence de deux Chefs d’Etat de la sous-région et de plusieurs notabilités internationales dont plusieurs représentants de Chefs d’Etat étrangers.
La passation de pouvoirs entre le Chef de l’Etat de la Transition et le Président démocratiquement élu a eu lieu au Palais Présidentiel au cours d’un tête à tête, à l’issue duquel un Procès-Verbal de passation a été conjointement signé, suivie de la présentation au Président élu des collaborateurs membres du Cabinet Présidentiel.
Le 6 Avril 2016, le Premier Ministre Mahamat KAMOUN, Chef du Gouvernement de Transition cédait son fauteuil à son successeur dans une ambiance tout aussi bon enfant. S’en suivit la passation de service entre les membres du Gouvernement sortants et entrants selon un tableau défini par l’Inspection Générale d’Etat.
Quarante-cinq jours plus tard, le Cabinet Présidentiel fût remplacé.
Ainsi, avec la prestation de serment et les passations de pouvoirs qui s’en sont suivies, a pris officiellement fin la Transition qui a commencé en 2013 et qui a été poursuivie par CSP à partir du 20 janvier 2014.
En vertu de la Charte Constitutionnelle de la Transition, les autres Institutions devaient rester en place jusqu’à la mise en place des nouvelles par les voies indiquées par la nouvelle Constitution promulguée le 30 Mars 2016.
C’est ainsi que le Conseil National de Transition qui faisait office de Parlement a fait place au mois de Mai 2016 à la nouvelle Assemblée Nationale élue au suffrage universel direct.
Les autres institutions constitutionnelles sont en train de se mettre en place au fur et à mesure selon les principes édictés par la nouvelle Constitution.
Le pari d’un transfert de pouvoir en douceur en République Centrafricaine n’était pas gagné d’avance dans un contexte marqué par une réelle faiblesse des capacités de l’Etat, une insécurité ambiante, des intrigues politiques et une certaine méfiance à l’égard de l’équipe sortante.
Nous retiendrons de ce moment important de l’histoire politique de notre pays la leçon suivante : l’expérience de la Transition a été cruciale dans le processus de sortie de crise en Centrafrique ; la portée de cette expérience pour le retour à un nouvel ordre démocratique et à la légalité constitutionnelle n’est plus à démontrer.
Les éléments essentiels ayant permis l’aboutissement de ce processus ont été : le dialogue permanent, la concertation, la recherche constante du consensus, l’inclusivité, le travail en équipe, une étroite collaboration avec la Communauté internationale mais surtout le respect par le Chef de l’Etat de la parole donnée et de ses engagements.